automne2011

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mardi 13 avril 2010

L'Art de la sieste de Thierry Paquot

Faites-vous la sieste ? Aimez-vous être allongé en pleine après-midi et vous laisser aller à une douce nonchalance ? Couper le téléphone, éteindre l’ordinateur, donner un peu de son temps à un petit somme inopiné ?
Se prélasser, être improductif pour mieux faire ensuite, couper la journée dans son déroulement infernal ? Prôner l’inaction. Aimer ne rien faire. Vouloir dormir juste un peu, juste le temps de pouvoir apprécier le temps, les choses, la vie autrement. D’un œil endormi, engourdi, qui ne semble se fermer que pour dormir mais qui est bien alerte, qui aspire chaque seconde, qui s’inspire d’un temps posé, là, dans une vie trop remplie, dans une ville trop rythmée, dans une société qui impose un temps pour tout. Il n’y a pourtant pas de temps prévu pour la sieste, mais il existe un temps pour siester, si on le souhaite, on peut le poser et savourer cet art.
Thierry Paquot nous livre ici un essai sur la sieste. Un essai comme un entrelacs d’observations, d’étude de l’art, d’expériences personnelles et de références à d’autres auteurs.
Une fois le livre refermé, je m’en vais faire une petite sieste. Pour mettre en pratique la théorie.

Voici quelques tableaux qui sont évoqués dans ce livre:
Vénus endormie ou Vénus de Dresde de Giorgione Elle s'offre entièrement aux regards. Seul son sexe est caché de sa main gauche d'une manière à la fois naturelle et pudique. Certains critiques d'art ont assimilé la main posée sur le sexe à une masturbation. La représentation du geste est tout à fait exceptionnelle. Il met sur le devant de la scène, un geste qui est admis dans l'intimité du mariage L'historienne de l'art Rona Goffen a montré qu'au XVIe siècle siècle, la science disait que les femmes ne pouvait être fertilisées qu'au moment de leur jouissance. Certains médecins suggéraient donc aux femmes mariées de se masturber avant le coït pour avoir un enfant. L'histoire de l'art fait ainsi de ce tableau la matrice du nu érotique féminin dont s'inspirera par exemple Titien dans sa Vénus d'Urbino (qui est énormément influencé par le pouvoir d'évocation de Giorgione. A ce propos, Goethe dit de lui quand il évoque son travail sur les fresques de l’école de Saint-Antoine de Padoue où il réalise ses premières œuvres indépendantes : « Il y a là, écrit le poète, une vérité surprenante, capable de tout exprimer » ou encore Manet 325 ans plus tard dans son Olympia.

Vénus et Mars de Piero di CosimoPiero di Cosimo aime l'écart, le jeu. Il peint Mars et Vénus mais il parodie surtout une version du même thème que Botticelli avait peinte une dizaine d'années plus tôt. Un papillon est posé sur la jambe de Vénus (ou sur la peinture de Piero -les ailes sont dans le plan du tableau- ?).C'est à Vasari qu'appartient ce tableau. Et Vasari, en le décrivant, commet deux erreurs : «..près d'un bouquet de myrtes, Cupidon a peur d'un lapin». Daniel Arasse dans un texte intitulé Piero di Cosimo, l'excentrique repère ces erreurs.
"L'erreur est double en effet. Cupidon n'est pas «près d'un bouquet de myrtes», mais tout contre la taille et le ventre de Vénus, sa mère, qui l'enveloppe de son bras gauche. Cupidon n'a nullement peur du lapin qui est à côté de lui : de sa main gauche, il lui touche le museau tandis que sa main droite indique Mars endormi et que son regard (interrogateur ? impatient ? ) est levé vers Vénus.
...et en analyse le contexte et les raisons :
"Or ce lapin avait été, en lui-même, le lieu d'une élaboration précise, à la fois ludique et scabreuse. Très traditionnellement, le lapin est un symbole de l'appétit sexuel et, à ce titre, il peut être considéré comme un attribut de Vénus tout à fait adapté ici à la situation de la déesse qui, les yeux bien ouverts, attend le réveil d'un Mars profondément endormi. Il y a plus : tel que l'a peint Piero, ce lapin est anormalement grand et cette taille excessive est une bizarrerie manifeste du tableau. C'est que, comme dans un rébus, elle donne figure à un jeu de mots grivois fondé sur le nom latin de l'animal, cuniculus. Sa terminaison évoque le suffixe diminutif latin bien connu -culus et le cuniculus passe ainsi facilement pour un «petit cunus». Ce dernier terme n'existe pas mais il évoque par consonnance le cunnus, le sexe féminin.Tel que l'a peint donc Piero di Cosimo, ce cuniculus est trop grand pour mériter un diminutif ; c'est bien une figure (déplacée) du cunnus vénusien, que ne saurait combler un Mars épuisé."
Ce qui est amusant est que Daniel Arasse épingle deux erreurs dans le texte de Vasari et, pour des raisons que j'ignore, en commet deux autres à son tour en inversant dans sa description les gestes de Cupidon..
Daniel ARASSE Le Sujet dans le Tableau Flammarion, Paris, 1997 pp.49-50

Le repos pendant la fuite en Egypte de Caravage Le Repos pendant la fuite en Égypte (1594-1596, galerie Doria, Rome) a un éclairage latéral qui met en valeur les protagonistes, des effets de lumière subtils découpent des surfaces sombres sur un fond clair. C’est une Égypte bien romaine à vrai dire par son paysage qui prouve l’importance des peintures bergamasque et bresciane sur la formation de Caravage. Le paysage qui, dans ses tendres tonalités de verts et de bruns, s’étend derrière la Vierge, comme le caractère profondément humain de cette maternité, rappelle l’intimité silencieuse. le Caravage a abandonné la manière claire de ses débuts, ses tons lumineux et transparents, pour nous plonger dans une obscurité crépusculaire. La main est devenue plus vive et le trait plus hâtif parfois même sans lever le pinceau.

La moisson de Bruegel En 1552 il aurait fait un voyage en Italie. Certains éléments de ses peintures ou dessins font référence à des paysages italiens. le tableau appartient à la série des mois chacun dominé par une couleur ou une combinaison de couleurs ; ici le tableau resplendit le jaune du blé mur. Hommes et femmes sont épuisés ; allongés ou assis, ils se restaurent et dorment. Ici, difficile de ne pas penser à l’Eté de Nicolas Poussin.

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