automne2011

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samedi 7 novembre 2009

Fargeon, parfumeur royal du XVIIIe et créateur de cosmétique


Fargeon, était un formidable parfumeur au service des plus grands. Il y a d’abord eu Madame du Barry mais on retient surtout le fait qu’il était le parfumeur de cette reine de beauté, Marie-Antoinette.
Fargeon voyait son métier comme un art : le parfumeur « embellit l’éclat de la beauté par des cosmétiques artistement préparés, et sait à leur aide réparer les torts de l’âge ou de la nature envers le sexe, dont la plus douce jouissance est de plaire ». C’est également un créateur. Toutefois, il prévient qu cet art n’a rien de facile et qu’outre la pratique, les connaissances théoriques sont très importantes,
L’ouvrage que je vous présente ici s’intitule L’Art du parfumeur, ou Traité complet de la préparation des parfums, cosmétiques, pommades, pastilles, odeurs, huiles antiques, essences, bains aromatiques et des gants de senteur, etc. Contenant plusieurs secrets nouveaux pour embellir et conserver le teint des dames, effacer les taches et les rides du visage et teindre les cheveux. Les auteurs avaient un peu de mal à faire concis à cette époque. Cela dit, au moins, on comprend bien de quoi il s’agit.
L’ouvrage, de 448 pages, est composé de 2 parties. La première est plutôt théorique. Fargeon présente les différentes substances odorantes - musc, civette, benjoin, aloes, jasmin, lys.., il y explique les différents procédés de distillation et donne ses premières recettes d’eaux, huiles et vinaigres simples (c’est à dire dans lesquelles il n’entre qu’une seule substance).
Mais si cette partie est très intéressante la seconde l’est encore davantage. C’est là qu’il expose ses principales recettes pour « embellir le teint, conserver son lustre et sa fraîcheur, couvrir d’un voile épais ses défauts naturels, corriger ce qu’ils peuvent avoir de désagréable, changer à son gré la couleur des cheveux, les faire croître ou disparoître, effacer les tâches et les rides que l’âge imprime sur le front de la vieillesse ». En bref, un sacré programme.

Cette partie est divisée en 10 chapitres:
1. les parfums et odeurs
2. les préparations pour le teint( fards inclus)
3. les pommades pour les lèvres
4. les savons pour la barbe, les pâtes pour blanchir les mains et le visage
5. les poudres et opiates pour les dents
6. les cosmétiques pour les cheveux
7. les sultans et sachets d’odeurs
8.les pastilles odoriférantes et les tablettes pour parfumer la bouches
9. les bains aromatiques
10. la fabrication des gants.

Les fards
Pour illustrer les excès du maquillage au XVIII, je trouve intéressant la publicité de Lavazza.L'édition 2008 est l'œuvre de l'Ecossais Finlay Mackay. Ses six clichés mettent en scène des Marie-Antoinette glamours dans une ambiance mêlant les styles. Ce natif de Glasgow, qui a étudié à la Glasgow School of Art avant de faire carrière à Londres (il a réalisé également une campagne pour Diesel).
Je vais entrer dans le vif du sujet avec un article consacré au teint et aux fards. Je peux d’ores et déjà m’avancer sur le fait qu’il risque grandement de vous étonner.
L’ouvrage de Fargeon consacre donc un grand chapitre aux "préparations pour embellir le teint".
On y trouve pas moins de 10 recettes pour préparer le lait virginal. Elles vont de la plus douce à la plus irritante.
Parmi les irritantes, on en trouve une à base d’alun de roche et de soufre pulvérisé, une autre à la litharge d’or. D’autres recettes nécessitent une certaine patience telle celui-ci à base de benjoin, de storax, de cannelle, de girofle et de muscade qui nécessite d’être exposé pendant un mois au soleil sur le sable ou le fumier. Plus radicale encore, la préparation « pour faire disparaître les boutons du visage » impose l’utilisation de litharge d’argent, une variété de monoxyde de plomb, de cendre chaude et de sel marin. Je ne sais pas si les gens étaient ravis de se débarrasser de leurs boutons… Il y a des fois où il vaut peut-être mieux s’en satisfaire. Il consacre tout de même 10 pages aux « cosmétiques naturels » ? Mais cela n’a pas la même connotation qu’à l’heure actuelle : il inclut dans ses cosmétiques naturels la chaux, la céruse et le blanc de baleine… Cela dit, ce sont bien des produits issus de la nature, non? C’est même dans ces pages que l’on trouve la fameuse Eau cosmétique de pigeons qu’utilisait Marie-Antoinette.
Eau de pigeon « parfumeur royal », 1761
Note :
Les secrets de beauté de Fargeon, parfumeur de Marie-Antoinette. Jean-Louis Fargeon, L’Art du parfumeur, ou Traité complet de la préparation des parfums, cosmétiques, pommades, pastilles, odeurs, huiles antiques, essences, bains aromatiques et des gants de senteur, etc. Contenant plusieurs secrets nouveaux pour embellir et conserver le teint des dames, effacer les taches et les rides du visage et teindre les cheveux, Paris, 1801


Bien que Marie-Antoinette dépensait des fortunes incroyables dans les articles de parfumerie (plus de 200 000 livres pour l’année 1778), la Reine appréciait surtout les eaux simples comme l’eau de fleur d’orange, dite du Roi, crée par le prédécesseur de Fargeon, Vigier, en l’honneur de Louis XV. Elle goûtait les bienfaits de l’essence de lavande, très en vogue depuis plus de 20 ans et de l’essence de citron. Elle en faisait mettre quelques gouttes dans son bain et dans des cassolettes pour purifier ses appartements. Elle choisissait des vinaigres aromatisés à la fleur d’orange ou à la lavande.
Pour nettoyer sa peau, elle utilisait l’eau cosmétique de pigeon, pour la tonifier l’eau des charmes faite avec les larmes de vigne qui coule en mai. L’eau d’ange la blanchissait en purifiant le teint.
Elle enduisait ses mains de la pâte royale qui en maintenait la douceur et préservait des gerçures.
Elle adorait les pommades à la rose, à la vanille, à la frangipane, à la tubéreuse, à l’œillet, au jasmin, aux mille-fleurs. La pommade à la fleur de jasmin confectionnée par Jean-Louis Fargeon était destinée à une application à la racine des cheveux. Elle aurait la vertu de les empêcher de tomber et même de les faire pousser. Pour le bain, elle utilisait des savonnettes aux herbes, à l’ambre, à la bergamote ou au pot-pourri, et pour maintenir l’éclat de ses dents, elle commandait des poudres et des opiats.
En revanche, elle se fournissait en rouge chez Mlle Martin.

Si ces fards sont souvent dangereux pour la santé de par l’ajout de substances métallique au moins on est sûr d’un chose : on ne trouvera pas de recettes aussi horrible que l’on a pu voir dans l’article précédent sur les les cosmétiques pour embellir le visage.
Pour ce qui est de leur nocivité, Fargeon remarque néanmoins « La plupart des fards sont composés de minéraux plus ou moins malfaisans, mais toujours corrosifs, toujours de funestes effets sont inséparables de leur usage. » A cela il ajoute « Mais puisqu’il n’est pas possible de ramener les femmes au sentiment de leur propre intérêt, voici les moyens de se préserver des suites fâcheuses de tous ces poisons topiques ». Et oui, c’est qu’on est têtues quant on veut..
Cela dit, il peut dire ce qu’il veut ses recettes ne sont pas vraiment capables de nous préserver des recettes dangereuses. On trouve allègrement des recettes à base d’étain, de sel d’ammoniac, de bismuth, de sel de saturne.
Pour ce qui est fards rouge, les matières premières sont l’orcanette, le carmin, le safran. Fargeon propose 9 nuances de rouge à base de carmin.

La recette de base en est :
1 gros de carmin ;
4 onces de talc pulvérisé ;
6 gouttes d’huile d’olive
12 goutte de gomme adragant.

Pour les 8 nuances suivantes, il suffit de modifier les proportions. Plus on ajoute de talc plus la nuance est claire.
Fargeon propose également des pommades pour les lèvres. Entre autres, et si nos lèvres sont bien gercées, il conseille d’utiliser le cérat de Galien que l’on compose ainsi:
« Prenez huit onces d’huile de rosat et une once de cire blanche ; faites fondre dans un vase de verre ; agitez avec une spatule de bois ; laissez refroidir, et lavez bien avec de l’eau claire. » La composition de Fargeon est bien faible. Certes, le cérat de Galien n’a jamais intégré de multiples composants mais il comprend, en général, de l’huile d’amande douce.
Heureusement que les chimistes ont fait des progrès et que nous sommes devenues plus raisonnable lorsqu’il s’agit d’améliorer ce que nous a donné Mère Nature.
Source:
FARGEON, Jean-Louis, L’Art du parfumeur, ou Traité complet de la préparation des parfums, cosmétiques, pommades, pastilles, odeurs, huiles antiques, essences, bains aromatiques et des gants de senteur, etc. Contenant plusieurs secrets nouveaux pour embellir et conserver le teint des dames, effacer les taches et les rides du visage et teindre les cheveux, Paris, 1804

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