automne2011

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mardi 10 mai 2011

histoires autour des poteaux de Berck

Si on en suit la longue perspective de certains bords de mer, on aurait la chance, dit-on, d’entrapercevoir grace à ces fameux poteaux de bois qui ne se dévoilent que quand la mer se retire, l’écorce usée par la mer qui s’acharne à retirer ces marques d’un passé qu’on voudrait nous faire oublier un monde de lumières qui emplirait nôtre âme d’un tout nouveau regard sur les choses et la nature.
N’entendez vous donc pas, le soir, sur les plaines des plages, quand le vent souffle dans vos cheveux, qu’il ramène aussi des paroles de ces anciennes créatures qui nous ont laissé le monde ?
Les histoires sur les Gelf sont des légendes que les marins s’échangent entre deux pintes de bières bien mousseuses, mais on devine à travers leur regard, l’effroi de ne plus jamais avoir accès à ces connaissances des temps anciens et surtout, la tristesse de ne jamais connaître le lieu de repos des Gelf, qu’on dit aux allures enchanteresses.
La mer est ainsi devenue au fil des ans, à mesure qu’elle étendait son emprise à coups de flots d’écumes dans la terre, un mur insurmontable et indomptable qui sépara à tout jamais notre monde d’une dimension supérieure inaccessible. Voici l'une de ces histoires..

On raconte, dans les légendes de temps oubliés, que le monde, avant d’être tel que nous le connaissons, n’était que nature et enchantement. Et que les terres étaient foulées par d’étranges créatures répondant au nom de Gelf. Les Gelf avaient à la fois un physique semblable au notre, et en de nombreux points différents. Ils chérissaient la nature et ses humeurs plus que tout : par leur caractère, leurs gestes et leurs chants. Mais le monde dépérissait et dut bientôt changer d’ère. Comprenant parfaitement les changements et les mouvements de leur terre bénie, les Gelf décidèrent de se retirer pour laisser le monde aux mains des hommes qui firent leur apparition, et ils prirent le large dans une grande procession. On raconte d’ailleurs que leur départ a déchainé les éléments : tous les vents ont dansé toute la nuit pour déclencher la plus grande des tempêtes et les vagues, décharnées et hurlantes, se sont hissées jusqu’aux plus hauts des bâtiments. Comme si la terre leur livrait son bouquet final en guise d’adieu. Et tous les soirs, le soleil se couche d’une lumière rouge sang en hommage à ces êtres qui ont disparu à tout jamais. C’est à cause de cette tempête que pendant de nombreux siècles, les hommes ont eu trop peur de prendre la mer, peur de se laisser emporter par des lames de fond mortelles, et peur de se perdre dans un horizon infini pour ne plus jamais en revenir.

Pourtant une ultime légende persiste, mais qu’on ne préfère que murmurer dans des étroites ruelles à la faible lueur d’un lampadaire à la nuit tombée. Celle d’un jeune Gelf qui, trop triste de ne plus revoir ses prairies verdoyantes où il aimait jouer dans ses premières années, aurait lâché son pipeau de bois sur le pont du bateau qui l’emmenait, et aurait pris soin, tout en restant caché de ses ainés, de planter des piliers de bois dans la mer, à mesure que le bateau s’enfonçait dans la brume. Une manière de pouvoir retourner sur terre quand il aurait atteint l’âge d’être un fier guerrier, et des indices pour nous montrer le chemin à suivre.

Et on dit qu’au lever du jour, au moment où le soleil s’irradie pour chanter le possible retour des Gelfs, il suffirait de suivre à cloche pieds les flaques laissées sur la plage par la mer à peine éveillée, suivre cette longue lignée de poteaux comme pour enlever successivement les ombres de notre cœur et les oripeaux de notre vie désenchantée pour nous rendre notre émerveillement d’enfant. Et alors, au bout du chemin, au bout de cette infinie route pavée d’ombres, notre âme serait aspirée par le cœur chaud et ardent du soleil pour nous faire enfin respirer la beauté du monde.

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